LES EXTRATERRESTRES existent. Nous
en avons rencontré un hier aux Francofolies. Il s'appelle Nosfell, vient de la planète Klokochazia
et chante en Klokobetz. L'artiste a 27 ans, prétend
s'appeler en réalité Labyala Jawidfel, état civil
en forme de pseudonyme, vient d'« un milieu
modeste », fait des concerts depuis 1999, traîne dans la
banlieue Nord de Paris mais a l'esprit
ailleurs.
Sur la scène de la salle Bleue, hier après-midi à
La Rochelle, le chanteur, accompagné
par un bassiste-violoncelliste, ne ressemblait à rien de connu.
Le duo, tantôt complice, tantôt
adversaire, échantillonnait en direct violoncelle, basse, guitare,
cris et chuchotements dans
des improvisations qui pouvaient durer de longues minutes. Nosfell
voltigeait sur sa voix, trapéziste
plongeant dans les graves, avant de tourbillonner dans les aigus. «
Le premier instrument que
j'ai appris, c'est la voix, nous expliquait l'intéressé
juste après sa prestation. J'ai toujours été passionné par cela, non pas comme un moyen
d'exprimer des idées, mais plus comme un travail
d'introspection sur ce que l'on est physiologiquement. »
Un danseur félin
Nosfell évolue torse nu, la carte
de son monde tatouée en gros dans le dos. Entre les chansons,
il conte
les histoires de quelques grandes figures de Klokochazia, ponctuées
par des expressions en Klokobetz.
« Avant de l'incorporer dans la musique, ce langage a toujours
été là, précise ce fan de Joni
Mitchell et de Neil Young. Je l'ai transformé en forme artistique
pour en faire quelque chose
de positif. Avant que cela ne devienne des chansons, je le voyais comme
quelque chose d'inadapté
à notre société. » Plus jeune, il parlait
le Klokobetz avec d'autres. Impossible de savoir qui.
« Trop personnel. » L'artiste est plutôt du genre
malin. Surtout ne pas trop en dire, pour préserver
le mystère, laisser planer le doute sur sa vie avant la musique.
Il se voit lui-même « comme
un petit animal, ce qui ne veut pas dire qu'il est fragile ».
En concert, il dégage pourtant une force inouïe, danseur
félin, acrobate. Un écran en fond de scène l'habille
de bleu, de rouge, tandis qu'un filet de lumière lui traverse
le corps de haut en bas, signe que sa musique passe
par tous les pores de la peau. Nosfell
s'écoute, se regarde aussi, les chansons deviennent vite
indissociables de l'image.
Son premier album* autoproduit l'an passé est désormais
soutenu par un gros label, qui va bientôt ressortir le disque
complété par un DVD. D'ici là, il est l'un des
chouchous des festivals d'été qui le veulent tous, des
Francofolies aux Eurockéennes, des Vieilles Charrues au Nice
Jazz Festival. Sans le savoir, des milliers de spectateurs vont passer
un bout de leurs vacances en Klokochazia.
* Nosfell « Pomaïe Klokochazia
Balek » (disques V 2). Prix : 14,90 .